lundi 22 décembre 2008

La condition d'Orphelin n'est pas incompatible avec celle de Cinéaste

Il faut connaître Félix pour bien apprécier, je crois... :) Orphelin n°18 :

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Félix en plan moyen de face, assis sur une chaise dans la pièce principale de notre appartement, la jambe droite posée sur le genou gauche, dos à la table et à la fenêtre proche de la cuisine. La pièce est baignée de la lumière qui entre par cette fenêtre ; l'autre a les rideaux tirés.

FELIX (avec son ton propre, riant souvent pendant qu'il parle) : Emilien, il faut que tu piges un truc très important, qui sera très utile par la suite. C'est que tu N'ES PAS... TOTALEMENT... CON ! Donc il n'y a aucune raison pour que tu aie un jour ou l'autre, d'une ou d'une autre tenté de buter le boss d'un des plus gros gangs de dealers de drogues dures de Paris. C'est vrai que tu fais parfois preuve d'une connerie rare, mais je te considère comme tout à fait récupérable ! Si tu avais été capable d'une telle connerie, ça fait longtemps que j'aurais abandonné tout espoir !

Regard intense, immobilité de la scène. Félix reprend la parole (voir ci-dessous) alors que la caméra se tourne vers son bureau, le bras du cameraman s'avance, appuie sur une touche pour sortir l'ordinateur de veille, navigue d'une main avec le clavier entre les dossiers puis lance un fichier vidéo avant que la caméra ne revienne sur Félix.

FELIX (ton un peu plus tendu) : Et puis il va falloir de t'arrête de filmer tout et surtout n'importe quoi avec cette putain de caméra, ça devient relou j'te jure !

Félix pose sur le cameraman un regard perplexe , avant de se tourner vers l'écran de l'ordinateur où la vidéo vient de commencer. Bruit de pas qui résonnent dans un grand espace, brouhaha de conversations, cliquetis de manipulation maladroite d'une caméra. Félix sourit, intrigué, interroge du regard le cameraman puis revient à la vidéo. Ses yeux s'écarquillent, il regarde à nouveau le cameraman :

FELIX : Mais c'est... ! Euh, ça a été tourné quand ?

Il se tait, regarde la vidéo en semblant avoir oublié sa question. Ses yeux s'écarquillent de plus en plus. Bruits d'une conversation beaucoup plus proche que les autres mais on comprend quand même rien. Le ton monte. Des cris. Un coup de feu. Félix, bouche béante et yeux exorbités, laisse échapper un râle incontrôlé. Cris de panique d'hommes et de femmes.

HOMME (dans la vidéo) : Putain mais attrapez-le !

Bruits de course (pas, halètements, micro de la caméra frotté contre les vêtements du cameraman et ballotté dans le vent...), atténuation des cris... Le cameraman se retourne à nouveau pour appuyer sur espace et mettre en pause la vidéo dont on a le temps de voir un fragment. Retour sur Félix, qui regarde à présent le cameraman sans avoir changé d'expression. Deux secondes passent. Nouveau râle incontrôlé. Deux secondes passent. Noir.

vendredi 12 décembre 2008

Jeff, Herbert & the TV

Acte premier
Scène unique :

Une pièce décorée sobrement dans des tons gris et brun, dans le style qui était déjà vieillot dans les années 70. Côté cour, un poste de télévision de cette époque est posé sur un petit meuble. Côté jardin, une table et deux chaises. JEFF est assis devant la table sur laquelle il a les bras posés, face au poste de télévision. De l'autre côté de la table, HERBERT est assis sur l'autre chaise dans une position plus décontractée, tournant le dos au public, de biais par rapport à la télévision qu'il regarde également. Une télécommande est posée sur la table. La télé délivre un son grésillant, un flot de paroles dont on ne comprend que de rares bribes.
HERBERT prend la télécommande et éteint le poste, puis se tourne vers JEFF et eux deux se regardent sans dire un mot pendant quelques instants.
HERBERT (sa voix sonne comme un bris de vitre) : Tu crois qu'il est mort ?
JEFF : Ne sois pas bête ! C'est le Président des Etats-Unis !
HERBERT : Eh bien, quoi ? Ça fait de lui un immortel ?
JEFF : Ben non, mais...
HERBERT : Il s'est fait tirer dessus ! Tu sais ce que ça veut dire ? Il est peut-être mort, voilà, c'est tout ce que je dis.
JEFF (après un temps) : Mais... c'est le Président des Etats-Unis quand même...
Nouvelle pause, puis Herbert s'affaisse lentement, met sa tête dans ses mains puis se colle le front sur la table, les mains croisées derrière la tête ; Herbert tourne à nouveau la tête la tête vers le poste éteint.


Acte 2
Scène I :

Même décor, les personnages sont revenus à leurs positions du début de l'acte premier. Le poste de télévision est allumé.
SPEAKER (voix off grésillante) : Selon les dernières nouvelles que laissent filtrer les porte-paroles du gouvernement, le Président Kennedy aurait été mené d'urgence dans l'un des hôpitaux de Dallas, suite à la blessure par balle qu'il a reçue lors d'un défilé voilà une trentaine de minutes. Il est difficile d'en savoir plus pour l'instant.
HERBERT éteint le poste avec la télécommande.
JEFF : Alors, tu vois !! Ils l'ont amené dans un hôpital. On n'amène pas les morts dans les hôpitaux ! Ils vont bien le soigner, et avant ce soir il sera sur pied.
HERBERT : As-tu seulement idée de ce que c'est qu'une blessure par balle ? Si ses organes vitaux ont été touchés, il pourrait bien crever dans les mains des médecins d'ici une heure, si ce n'est pas déjà fait.
JEFF : Mais tu t'entends parler ? C'est à croire que tu espères qu'il meure ! Quel genre d'américain es-tu ? Le Président a été touché par balle, et toi tu fanfaronnes !
HERBERT : Je ne fanfaronne pas, et tu dis n'importe quoi. J'essaye juste de te faire redescendre sur terre : s'il survit à cette épreuve je serai au moins aussi content que toi, mais j'aimerais que tu ne te fasse pas de faux espoirs. C'est peut-être très grave, ou c'est peut-être superficiel. On n'en sait rien pour l'instant.

...
:) Voilà. Si je continuais d'écrire cette pièce, ce que je ne compte pas faire, je ferais de la suite une réflexion sur ce que sont les Etats-Unis au moment des faits, et ce qu'ils pourraient devenir, ce que la mort de Kennedy pourrait changer à tout ça... Une manière de parler d'aujourd'hui en parlant d'hier et du demain d'hier. Toute la réflexion de ces deux hommes serait construite autour du fait que le public connaît la fin que l'Histoire a donnée à John Fitzgerald Kennedy. Au début de chaque acte, la télévision donnerait des nouvelles de l'évolution de son état de santé, jusqu'au dernier où il est critique. A la fin du dernier acte, les deux personnages parviennent à un désaccord profond qui est sur le point de tourner en dispute, quand Herbert boude et se tourne vers la télé, l'allume. Le speaker nous apprend que le Président est sortit de la phase la plus dure de sa guérison, qu'il va beaucoup mieux et que ses jours ne sont plus en danger. Il reprendra ses fonctions d'ici une semaine, au plus dix jours. Herbert et Jeff se regardent, bouche close, ils ont l'air surpris. Soudainement tout le raisonnement de la pièce s'écroule, tout tombe à plat, ça ne veut plus rien dire, on regrette d'avoir payé son entrée pour une telle merde.

~ The End ~

mardi 9 décembre 2008

En cours

« Monsieur ? Monsieur, je pige rien à ce que vous racontez.

(rires dans la salle)

Qu... Quoi ? (hésite à rire)

J'y pige rien. Que dalle. Qu'est-ce que vous dites ? Je comprends pas. C'est des mots, plein de mots les uns derrière les autres, mais j'ai la bizarre impression qu'il n'y a pas de sens dedans. C'est du charabiah.

Mais enfin Emilien vous déconnez complètement, prononça le prof comme s'il s'agissait d'un seul et même mot, à sa façon bien reconnaissable.

D'ailleurs j'y pige tellement rien que, tiens... (il se lève) Je vais me casser. (met son manteau, attrape son sac) Je vais vous laisser caqueter tranquillement devant votre auditoire RAVI (en disant ce mot, il se retourne et le jette à la figure de ses camarades stupéfaits) Sur ce, je vous souhaite à tous une bonne journée. »

Puis il sort de la pièce d'un pas calme et referme la porte sans la claquer.

Silence dans la pièce, bruits de pas qui s'éloignent dans le couloir.